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Ducau
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Entretien réalisé par JP Goutouly et JC Hinnewinkel le 2 juin 2016 au château Loupiac-Gaudiet

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Ci-dessus, à droite, Marc Ducau lors de la préparation de la rétrospective des manifestations tenues des les années 50-60, organisée à Donzac en 2011

Le domaine : Mon grand-père Marcel Ducau avait déjà la propriété du château Pontac qui à l’origine faisait partie du château Loupiac-Gaudiet. Les deux avaient été séparées et mon arrière-grand-père Camille Ducau a acheté le château Pontac où habitèrent mes grands-parents. Quand mon père est revenu de la guerre de 14-18, en 1919, mes parents ont achetés Loupiac-Gaudiet à Mme Dezeimeiris, qui était veuve. Cette propriété avait autrefois appartenue à un armateur de Bordeaux, Mr Belso qui au début du 19ième siècle avait fait construire le château. Ce monsieur possédait des gabarres qui remontaient la Garonne et venaient chercher le vin et sans doute autre chose. Mon père s’est marié en 1922 et est venu habiter ici où je suis né.

Quel a été votre parcours de vigneron ?

J’avais commencé mes études secondaires au lycée de Talence quand la guerre est arrivée. J’avais 16 ans, mon père a été remobilisé et ma mère se retrouvait seule à la veille des vendanges, le 3 septembre 1939. Le suis d’abord resté pour faire les vendanges, puis finalement je ne suis pas reparti. Donc j’ai commencé à travailler avec des chevaux. Les labours se faisaient à la charrue tirée par un cheval. A la veille des vendanges ont nous avaient réquisitionné les 4 chevaux qui nous possédions et nous nous sommes retrouvés sans attelage. Heureusement le voisin avait pu conserver un cheval parce qu’il était borgne. Donc on mettait le raisin dans des comportes et le soir quand il avait fini sa récolte, il venait ramasser nos comportes pour les amener au château. Voilà les conditions de mes débuts, avec un homme qui avait plus de 70 ans et moi qui en avait 15. A suivre...

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Dossier réalisé par Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de l’Université Bordeaux-Montaigne, membre du CERVIN et chercheur associé à l’ISVV.

Ce dossier à été rédigé, à partir des archives familiales, avec l’aide de Jean-Marie-Jacob, son petit-fils, lui-même œnologue en Entre-deux-Mers à Soussac de 1971 à 2005 

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JB Jacob

Comme toujours, les innovations agronomiques se diffusent principalement dans les grandes propriétés, tout particulièrement les crus classés et celles appartenant au négoce. Sur le plan de la vinification, dès la première moitié du XXème siècle une œnologie curative se développe dans les chais des particuliers puis des coopératives, les analyses chimiques étaient confiées le plus souvent à des pharmaciens. C’est à cette époque qu’apparaissent les premiers œnologues conseils dont le rôle, outre celui de médecin du vin, consiste aussi à accompagner le producteur dans le processus de vinification et même de culture de la vigne.

Jean-Baptiste Jacob (1895-1941) est de ceux-là. C’est un jeune ingénieur chimiste oenotechnicien. En 1919 il entre au laboratoire de Messieurs Latrille et Ginestet pour s’occuper des chais à Brienne. Il rencontre alors l’Abbé Dupaquié et Ulysse Gayon. L’année suivante il fonde, rue Toussaint Louverture à Bordeaux, un laboratoire (doc 1). Il y réalise des analyses classiques de dosage d’alcool, sucre, acidité totale, acidité volatile, ph, anhydride sulfureux libre et total. Il s’intéresse aux matières tannoïdes, selon le procédé Laborde qu’il a lui-même développé. 

Pour consulter notre dossier

Dulong
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Entretien avec Eric Dulong le 20 juillet 2006

Cet entretien a été organisé pour le CERVIN à la Maison des Sciences de l’homme d’Aquitaine dans le cadre d’un programme de recherches sur la gouvernance territoriale des terroirs vitivinicoles contracté avec la Région Aquitaine. Les débats ont été conduits par Jean-Dumas, professeur émérite de Géographie à l'IEP de Bordeaux.

La transcription a été effectuée par Nicolas Boivin, doctorant au CERVIN sur la gouvernance territoriale des vignobles.

Eric Dulong : est-ce que je dois me présenter ?

Jean Dumas : on va y venir. Il y a 3 aspects qui entrent dans le cadre de nos recherches. Le premier aspect, on va dire le chef d'entreprise selon une certaine configuration. Cette entreprise s'inscrivant dans le monde du négoce. Deuxième point, le président et vice-président (syndical et du CIVB) que vous avez été ou que vous êtes. Le troisième aspect, c'est quand même la vie de ce négoce au sein de cette institution qui est censée rassembler et réunir les bonnes intentions.

ED : Merci. (temps d'attente). Je n'ai pas un parcours classique pour devenir négociant en vin. J'ai eu M. Dumas comme professeur à science Po et j'avais choisi l'option service public. Je regrette de ne pas avoir persévérer dans ce milieu-là, notamment dans les affaires étrangères, adorant les voyages. Mais quelque part, j'y ai touché un petit peu en partant un an aux USA à l'université de Colombia pour un master. Puis j'ai intégré la société Dulong en tant que commercial. Là j'ai gravi les échelons de ce qui était une entreprise familiale à l'origine typique du négoce bordelais. Mais c'était ce que j'appelle la véritable maison de négoce : multi services, multi produits et multi marchés faisant aussi bien la mise en bouteille que du vrac.

On va revenir sur l'entreprise. Moi-même j'ai 48 ans, j'ai trois enfants qui ne vont pas prendre la voie vitivinicole. Il faut dire que je ne les y incite pas vraiment. J'ai été, grâce à la formation que j'ai reçue à l'IEP, attiré par l'organisation des filières. J'ai fait de la politique très jeune rive droite, puis dans la défense de ma profession, le négoce en vin. J'ai été président du syndicat du Négoce qui à l'époque s'appelait syndicat des vins et des spiritueux de Bordeaux. Pendant 4-5 ans, j'étais le plus jeune (32 ans). En même temps, je suis passé par les instances du CIVB. Petite parenthèse pour voir l'aberration de l'organisation : à Bordeaux on est encore capable d'avoir deux syndicats de Négoce ; celui de Libourne et celui de Bordeaux, et que le président de celui de Libourne est automatiquement vice-président de celui de Bordeaux. J'ai essayé de regrouper les deux entités. C'était totalement impossible. Le crédit agricole a essayé aussi. Ce fut un échec. Puis je suis devenu président du CIVB. Ça devait être en 2001-2002. La règle est que vous êtes élu 2 ans président puis vice-président et ainsi de suite. Un truc totalement ridicule. J'ai préconisé, non pas pour moi mais pour mes successeurs, de réorganiser un peu et donc de rallonger d'un an ou deux ans le mandat. Ça m'a été refusé à l'époque. Donc à la fin de mon mandat, j'ai refusé de cautionner le système en place.

Un de mes successeurs, Christian Delpeux, lui a réussi à faire passer le mandat à trois ans et malheureusement, c'est lui qui a jeté l'éponge avant. Il y a eu des blocages pour tout ce qu'il essayait de mettre en place. C'est ça l'interprofession. Je suis toujours dans le nouveau bureau, et toujours vice-président du syndicat. Je suis au troisième poste (secrétaire) du CIVB. Je rappelle qu'il y 7 représentants Négoce, 7 représentants agricoles et certains représentants d'organisation comme le président des coopératives, de la préfecture... ça fait beaucoup de monde autour de la table.

L'entreprise Dulong a connu d'énormes changements. Un de mes leitmotiv est depuis que j'ai été président du Négoce, ayant eu la chance de voyager. C'est vrai que c'est une société qui vit à 50 % des exportations. On se partage le monde avec mon frère, donc je passais 6 mois de l'année à voyager. On a atteint 35 millions de chiffre d'affaire. Le métier nécessite une grande capacité financière. C'est un métier qui a changé dans les années 70 avec le développement de la grande distribution. Mais les négociants n'ont absolument pas su évoluer. Le pouvoir et la richesse sont passés du Négoce à la propriété. Pas d'équilibre, mais ça a toujours été le cas. Une petite anecdote : mon grand-père avait acheté une propriété dans le Médoc de 450 ha pour donner le statut d'ouvrier agricole à notre personnel. A la libération, il a revendu la propriété. Il y avait une vraie misère pour les propriétés. Il faut attendre le baron de Rothschild pour voir une vraie amélioration. 

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Ci-dessous, pour aller plus loin avec Eric Dulong,  deux mini dossiers réalisés par le CERVIN en 2020 à partir de coupure de presse, le premier sur Eric Dulong et Vinipro, le second sur la Maison Dulong, le troisième sur la marque Dourthen°1.

Eric Dulong et Vinipro

La Maison Dulong

Dourthe n°1

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Sichel

Propos d’Allan Sichel recueillis et transcris par Michel Réjalot le 4 sept.2007

Michel Réjalot : Peut-être pourriez-vous commencer par présenter l’histoire de la Maison Sichel ?

Allan Sichel : "Maison Sichel est une ancienne société familiale. Ancienne, parce qu’elle existe depuis longtemps, installée à Bordeaux depuis 1883, et très familiale puisqu’elle est toujours restée dans la famille Sichel ; et aujourd’hui, je la dirige avec mes quatre frères. Donc, nous sommes quatre frères à travailler dans la maison, principalement orientée sur l’exportation : 80 % de notre activité se fait à l’export, avec les principaux pays qui restent l’Angleterre – c’est les origines familiales, mon grand-père est installé en Angleterre, mes parents sont anglais, même si mon père a pris et développé la société depuis Bordeaux, on a de solides ancrages en Angleterre et ça reste notre premier marché -. La France est notre second marché et puis ensuite il y a le Canada, les Etats-Unis, l’Amérique latine beaucoup, le Japon, la Corée, et puis les autres pays européens avec la Suisse, la Belgique, le Danemark.

M.R. : « Sichel », cela a une consonance germanique…

A.S. : Oui, alors, si on remonte 6 générations, on trouve Hermann Sichel à Mayence, qui s’était lancé dans le négoce des vins allemands. Donc, ça, c’était en 1873, et de là ont émergé 3 branches : une allemande, une aux Etats-Unis et une en Angleterre. A un moment, il y avait 2 sociétés Sichel à Bordeaux et aujourd’hui, il n’y a plus que « Maison Sichel », la société ici.

M.R. : Qui est un regroupement ?

A.S. : Ce n’est pas un regroupement. En fait, les autres branches ont été dispersées, ont progressivement disparues. Sichel, « Maison Sichel Bordeaux » est issue de la branche anglaise, britannique. A Londres, il n’y a plus de bureau Sichel. Donc, la seule société Sichel qui existe aujourd’hui dans le monde, c’est celle de Bordeaux.

M.R. : Donc actionnariat familial ? Contrôle familial total ?

A.S. : A 100 %.

M.R.: Pas de capitaux extérieurs ? Aucune participation ?

A.S. : Dans la holding, il y a une participation, à hauteur de 3 %, d’un partenaire financier qui nous avait aidés, au début des années 1990, à racheter la société Coste, de Langon.

M.R. : Quelle a été votre formation professionnelle ? Quel a été votre parcours de responsable de la société de négoce ?

A.S. : Mon parcours ? Si mes parents sont anglais tous les deux, mes frères et moi-même sommes nés à Bordeaux, élevés dans la propriété familiale, château d’Angludet à Margaux, merveilleux contexte pour vivre les premières années de sa vie, et ce jusqu’à la majorité. Scolarisé à Grand-Lebrun et, à l’issue, avec le baccalauréat, je suis parti en Angleterre suivre des études universitaires en comptabilité, gestion, informatique, pendant 3 ans. Je suis revenu faire mon service militaire, parce qu’à l’époque, je ne savais pas que j’étais français… Né de parents anglais… et puis… on m’avait donné l’opportunité d’être français, mais j’y voyais la notion de service militaire et je n’ai pas répondu à la lettre. En fait, j’étais français à part entière de toutes façons. Donc, il a fallu que j’aille faire mon service militaire, que j’ai fait en Allemagne. Mais, avant de faire mon service militaire, j’avais eu la chance, à travers le processus de recrutement normal en Angleterre, d’avoir un emploi auprès d’un cabinet d’expertise comptable en Angleterre - « Central b….. » ça s’appelait à l’époque, qui est devenu ensuite « Grant…… » Donc, j’avais un poste…. Une formation d’expertise comptable à l’issue de mes trois années universitaires. Donc, je suis parti faire le service militaire et après, revenu pendant 3 ans. Je suis resté en Angleterre pendant trois ans à travailler pour ce cabinet d’expertise comptable. Et puis j’ai eu un déclic, en fait.

Avant l’issue des quatre années, de retour en France, je me suis dit : « mais qu’est-ce que je fais là-bas ? (là-bas étant l’Angleterre) ». Et j’avais à ce moment là plus qu’un souhait, c’était de revenir en France et revenir dans la région bordelaise. Entre temps je me suis marié en Angleterre, notre premier enfant est né en Angleterre et j’avais toujours en tête que je voulais revenir en France. Et puis, j’ai postulé pour différents postes. J’ai été recruté par un transitaire (Soulet de Brugière, à Bruges) et j’ai travaillé chez Soulet de Brugière pendant…. De 89 à …. Pendant 3 ans. Et c’est en 92 (donc la société Sichel était alors dirigée par mon père ), donc c’est en 92, quand la société Sichel a racheté la Maison Coste, il y avait une opportunité pour moi de travailler dans la société familiale et j’ai donc rejoint mon père et mes 2 frères qui travaillaient déjà dans la société, pour travailler au niveau finances, gestion, comptabilité.

Donc, voilà mon parcours.

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Pour compléter cet entretien, voir ci-dessous :

https://echos-bordeaux.com/portrait-dacteur-allan-...

http://www.sichel.fr/fr/maison-sichel/une-entrepri...

Jean-Michel Cazes (1936_2023), un gestionnaire avisé de l'industrie vitivinicole

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Jean-Michel Cazes a reçu le CERVIN en janvier 2019 pour un entretien unique, l’explosion de l’épidémie du Covid contrariant ensuite nos projets de poursuite. C’est donc lors de cette unique séance qu’il a fait part à Jean-Michel Chevet (historien) et Jean-Claude Hinnewinkel (géohistorien) des exceptionnels enseignements de sa grande expérience à la tête des Domaines Jean-Michel Cazes de 1973 à 2007. Il avait alors 83 ans.

Cervin : Les Domaines Cazes, ce sont aujourd’hui  le Château Lynch-Bages à Pauillac (100ha), Les Ormes de Pez à St Estèphe (40ha), Villa Bel Air dans les Graves (46ha), L’Ostal Cazes, près de Carcassonne, dans le midi (65ha de vignes plus 25ha d’oliviers) mais aussi le Domaine des Sénéchaux à Châteauneuf-du-Pape (27ha). Vous produisez un vin nommé « Xisto » au Portugal et « Tapanappa » en Australie avec un associé. Enfin vous avez développé des « marques » : Michel Lynch pour Bordeaux, et la gamme Circus pour le Languedoc. Quelles est la genèse des Domaines Jean-Michel Cazes?

Jean-Michel Cazes : Mon arrière-grand-père « Lou Janou » était un ouvrier agricole saisonnier ariégeois venu en Médoc à la fin du 19e siècle pour effectuer des travaux agricoles. Les « Montagnols » comme on les appelait, étaient spécialistes du défonçage des sols avant plantation. On les mit notamment beaucoup à contribution vers 1870 puis plus tard lors du  phylloxera. Il y avait des hordes de Montagnols qui débarquaient en Médoc tous les hivers, lâchant leurs chèvres dans les montagnes au printemps. A partir de 1875, lassé par ces aller-retour – ils venaient la plupart du temps à pied depuis l’Ariège - mon grand-père s’est fixé à Saint-Lambert, à côté d’ici.

Là, pendant quelques années il a joué un peu le rôle de chef d’équipe, comme aujourd’hui les Portugais qui recrutent des vendangeurs dans le nord du Portugal ; lui recrutait des ouvriers saisonniers dans l’Ariège. Il les logeait chez lui ; ils étaient 10 ou 12 à habiter ainsi pendant la saison. Quand il a cessé son activité, il a fait son jardin où il cultivait des légumes vendus ensuite au marché. C’est ainsi que démarra l’histoire viticole  de la famille.

Mon grand-père Jean-Charles, premier de la famille qui soit né à Pauillac, partit au service militaire à 18 ans, ayant devancé l’appel. A son retour il s’est employé comme ouvrier boulanger, épousant ensuite la fille de son patron et reprenant l’affaire à la mort de celui-ci. Il fut boulanger à Pauillac jusqu’à la guerre de 1914-1918 où il a été mobilisé. Comme il avait effectué des périodes militaires, il est revenu capitaine d’infanterie, ce qui n’était pas mal. A son retour, Il a repris son métier de boulanger jusqu’au jour où sa boulangerie a brulé. Il s’est retrouvé sans métier. Dans cette période de crise des années 20, beaucoup de propriétés du Médoc survivaient très difficilement, souvent avec des propriétaires absents. Comme il avait de bonnes bases paysannes, et grâce à l’amitié d’un banquier local de Pauillac, Monsieur Marcel Alibert, il s’est occupé, comme homme d’affaires, pour le compte de ce banquier de propriétés délaissées par leur propriétaire. C’est ainsi qu’il a pris pied dans sur Les Ormes de Pez. Il s’est occupé aussi d’une propriété à Margaux qui est devenue le Relais de Margaux ; je l’y accompagnais parfois quand j’étais gosse. Le domaine de l’Ile Vincent, situé dans les bas-fonds, gelait souvent. Après la seconde guerre mondiale, suite à une gelée sévère, mon grand-père a convaincu le propriétaire de ne pas replanter. En 1933, à la demande du général de Vial, il prit Lynch Bages en fermage dans des conditions très favorables, s’étant engagé à garder la propriété en production sans demander d’argent au propriétaire. C’est dire si la situation était catastrophique. En 33, 34, 35 il a survécu. Il a réussi à sauver l’exploitation et le général a mis Lynch Bages en vente pendant deux ans je crois sans trouver d’acheteur. Finalement il s’en est débarrassé en vendant en 1939 à mon grand-père qui en proposait un prix faible.

Pour lire la totalité de l'interview télécharger le 

Entretiens réalisés pour le CERVIN par Jean-Claude Hinnewinkel entre 2018 et 2023 (car interrompus par le Covid) avec une des fortes personnalités de l’appellation Loupiac en Sud-Gironde

Cervin : Comment êtes-vous devenu vigneron à Loupiac , en Côtes de Bordeaux?

Michel Boyer : je suis un peu bordelais, un peu d’origine corrézienne par ma mère. Mon grand-père est arrivé à Bordeaux dans les années 1850, à l’époque où Bordeaux connaissait une grande prospérité industrielle avec les fabriques de bouteilles, celles de céramiques ou de faïences…

Pour faire marcher ces usines, on n’utilisait pas encore le pétrole mais la vapeur et il fallait des entreprises qui fabriquent des chaudières. Beaucoup de Corréziens pour travailler dans le monde du vin. Les Moueix sont des Corréziens, les Janoueix aussi… Eux ont été attirés par le commerce. Mon grand-père, François Thévenot, est arrivé de Corrèze attiré par l’industrie. Il construisait des ouvrages en charpentes métalliques. On doit notamment à la famille Boyer la construction métallique type «Eiffel» de la gare de Bordeaux. C’est un phénomène immuable les habitants des régions pauvres sont attirés par les régions riches, ont toujours attiré les habitants des pays pauvres. On le voit très bien aujourd’hui, les pays riches ont toujours attiré les habitants des pays pauvres.

J’ai cependant toujours appartenu à une famille dans le milieu viticole, je suis né à Portets il y a 90 ans, au château Beausite à Portets. François Thévenot avait rencontré Adrienne Larousse qui était originaire de Bordeaux et dont la famille possédait une maison de campagne à Loupiac où le propriétaire du château du Cros, le comte de la Chassaigne n’avait pas su anticiper le développement des céréales dans la Beauce qui allait faire baisser le prix du blé cultivé sur le plateau du Château du Cros de façon importante. Il n’avait pas non plus pensé que le départ des hommes à la guerre allait rendre difficile la culture de la vigne à la main sur le coteau. Il se trouvait donc en difficultés financières et fut contraint de vendre.

 

Amoureux de ces terres, François Thévenot a ainsi l’idée d’acquérir le Château du Cros en 1917. François Thévenot était entrepreneur de travaux publics et il n’hésita pas à arracher le reste du vignoble existant sur le coteau et à replanter les vignes sur le plateau. Cette replantation fut réalisée entre 1920 et 1940. Cet ancien vignoble existe toujours et produit les meilleurs vins du Château du Cros avec des vignes presque centenaires

Château du Cros au début du 20e siècle

Yvonne, la fille de François Thévenot rencontre Georges Boyer et ainsi je suis né dans un château viticole. Après avoir combattu durant les 2 guerres, fait prisonnier en Allemagne et libéré en 1943, Georges Boyer revient au Château du Cros. Il s’est alors occupé de la propriété qu’il a acquise suite aux problèmes financiers de son beau-père François Thévenot.

Je suis donc arrivé au château du Cros j’avais 3 ans. J’ai passé ma jeunesse à Loupiac et je me suis formé à l’école d’ingénieur agricole d’Angers de 1954 à 1958. Je me suis marié avec Françoise Moulière en 1958. Françoise état issue d’une famille Bretonne de pêcherie de sardines à Douarnenez. Après avoir participé aux opérations de maintien de l’ordre en Algérie dans la marine, en 1960 je rentre au Cros. Je laisse à mon père Georges le soin de s’occuper du vignoble et débute une activité d’exploitation de vergers le long de la Garonne : pêches, poiriers puis pommiers, kiwis et cerises successivement. De 1965 à 1981 j’ai exploité 15 ha de pêchers et 15 ha de poiriers puis, de 1981 à 2006 je les ai remplacés par des pommiers.

En 1967, mon père décède et je reprends les vignobles, entreprend des travaux de replantations sur le plateau et achète d’autres vignobles pour diversifier l’offre du Château du Cros. A cette époque, il devait y avoir 27 hectares de vignes blanches pour la production de vins liquoreux sur le plateau que dominent toujours les ruines du vieux château Du Cros. L’exploitation était exclusivement viticole. 

 

Château Du Cros dominant les vergers

l y avait alors très peu de vignes rouges, juste pour la consommation personnelle, surtout dans la plaine où régnaient les fameux hybrides. Sur le coteau il n’y avait pas de vignes, il y en avait eu – les vieilles photos sont avec de la vigne sur le coteau - mais il n’y en avait déjà plus et c’est moi qui aie commencé à y mettre du rouge.

Quand j’ai passé la main à ma fille en 2004, l’exploitation s’était diversifiée. Il y avait toujours la vigne blanche dont la superficie avait été accrue et atteignait 45 hectares sur le plateau et sur le coteau où j’ai replanté. Il devait en plus y avoir 5 ou 6 hectares de vignes rouges, à l’époque c’était du bordeaux, maintenant c’est devenu du Cadillac-Côtes de Bordeaux. J’avais aussi acheté les propriétés de Barsac et Cérons. La propriété de Cérons a été vendue en 2000 à Sigana de Sainte-Croix-du-Mont. Cela faisait un peu trop important pour ma fille à tout gérer. A Cérons on a toujours le château Haut Mayne, en rouge et en blanc sur le plateau. Enfin le vignoble de Château Courbon à Toulenne que j’exploite depuis 1994 a été acheté à la famille Sanders, propriétaire à l’époque du Château Haut Bailly en Pessac–Léognan. En 2000 j’exploitais 95 hectares de vignes.

 

 

 

En 2004, quand ma fille prend la direction des vignobles, elle donne une dimension internationale au Château du Cros. Elle insuffle une nouvelle dynamique avec le développement de l’œnotourisme et les accords mets vins. En 2006, elle arrête les vergers e diminue un peu la superficie viticole car elle exploite ce qu’elle sait vendre, elle doit être à 75 hectares. On a toujours Cérons et Toulenne. Elle a laissé la vente des vins en vrac et se consacre à la vente en bouteilles. Elle a également abandonné les cultures fruitières et sur les terres ainsi libérées je supervise la culture de 30 hectares de maïs non irrigués car ils n’en ont pas eu besoin jusqu’à maintenant.

Le château Ducros aujourd'hui, au 1er plan, les champs de maïs ont remplacé les arbres fruitiers

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