Né le 4 juin 1930 à Bordeaux. Après des études au Lycée Michel-Montaigne à Bordeaux, aux facultés des sciences de Bordeaux et de Paris, aux Universités de Cambridge (Angleterre) et de Californie (Etats-Unis). (Diplômé d’études supérieures de sciences, Docteur ès sciences physiques), il est recruté en 1952 comme assistant à la faculté d’œnologie dirigée par son père. Chef de travaux (1961), Maître de conférences (1964), Professeur (1969), il devient en 1976 directeur de la station agronomique et œnologique de Bordeaux. Il le restera jusqu’en 1997. Ses recherches scientifiques sur la vigne, le raisin et les fermentations, en vue de l’amélioration des conditions de production des grands vins, sont à la source de nombreuses publications et communications en microbiologie et biochimie appliquées à l’œnologie. Il est mort le 15 mai 2011 à Bordeaux alors que sa dernière publication « L'histoire de l'œnologie à Bordeaux de Louis Pasteur à nos jours » était en cours de parution chez Dunod.
C’est à propos de cet ouvrage que le CERVIN (Jean-Michel Chevet et Jean-Claude Hinnewinkel) avait souhaité le rencontrer dans le cadre d’un programme de recherches de l’ISVV sur l’histoire de la qualité des vins de Bordeaux. Quelques semaines avant son décès, il nous avait reçus dans son appartement bordelais. Cet entretien a été transcrit sans modification. Cervin : Comment décrivez-vous le modèle viticole bordelais ? Pascal Ribereau-Gayon : Le modèle viticole bordelais, c’est peut-être tout simplement la collaboration qu’il y a eu entre les scientifiques et le monde professionnel. On ne fait pas les vins doux naturels de Perpignan comme on fait les vins doux de Bordeaux ou les vins blancs d’Alsace. Il y a une façon d’aborder le vin qui n’est pas identique partout. La façon de faire le vin a changé au cours du temps. Il y a la question de la fermentation malolactique qui a transformé l’approche de la vinification. Pasteur ne l’a pas vue. Cela n’enlève rien à son mérite, à sa notoriété, mais certains ont voulu le cacher. Parce que « Pasteur a dit que… ». Il a été très difficile de faire accepter cette découverte. On ne pouvait pas dire que Pasteur c’était trompé… Mais au moment de la grande expansion, dans les années 50-60, cela a beaucoup joué. Il y a des écoles dans le domaine du vin, comme ailleurs. J’ai toujours joué sur la finesse pour définir et produire un grand vin. Et dans ce domaine on a entrainé les autres. La Bourgogne a fait d’énormes progrès beaucoup plus tard que nous, un peu en nous imitant. Les vins blancs de Bourgogne ont toujours été prodigieux. Ils avaient un cépage bien adapté, très facile à travailler, c’est le Chardonnay. Nous nous avons le Sauvignon qui est très difficile à travailler et si nous arrivons à bien de travailler à Bordeaux, c’est tout récent. Pour le rouge c’est le contraire, nous avons la cabernet-sauvignon : pourvu qu’il murisse bien, il fait un vin excellent. Par contre le pinot est un cépage diabolique, très fragile, qu’il faut travailler dans des conditions optimales. En matière de vins rouges, ils ont fait des progrès récents, alors que leurs vins blancs sont remarquables depuis longtemps. Et donc plus qu’une question d’école de vinification, c’est une question de choix et de culture de cépages. La Bourgogne est une chose, Bordeaux est autre chose : il y a de très bons vins des deux côtés. Mais c’est vrai que l’œnologie bourguignonne a été plus lente. Pour vous citer un exemple, il n’y a eu que tout récemment un professeur d’œnologie à l’université. Il y avait des professeurs qui enseignaient l’œnologie mais qui n’étaient pas des professeurs d’œnologie. Mon père a été le premier dans l’université française à être titulaire d’une chaire d’œnologie et j’ai été le second. Les chaires ont disparues et c’est devenu première et seconde classe. Les professeurs d’université à Dijon c’est beaucoup plus récent. A Montpelier c’est une école d’agriculture. A la faculté de Pharmacie le professeur Jaulmes qui enseignait l’œnologie était professeur de chimie analytique. Madame Brun c’était pareil. A l’étranger, aux Etats-Unis, il y a toujours eu des professeurs d’œnologie. Ils sont moins regardants qu’en France pour les créations de postes à l’université. Mon père travaillait chez Calvet. En 1949 il est devenu directeur de la station d’œnologie et ensuite il est entré à la faculté des sciences comme maître de conférences et a fait toute sa carrière à Bordeaux. Moi j’ai fait une carrière complète à l’université de Bordeaux. Ulysse Gayon a beaucoup marqué ici car il arrivait de l’équipe de Pasteur et est resté en contact avec lui. Après avoir soutenu sa thèse avec lui, il a refusé de rester dans son équipe pour se rapprocher de la Charente d’où il est originaire et s’est installé à Bordeaux où il a fait toute sa carrière. Je suis arrivé en 1950, un moment où le vignoble était sinistré au lendemain de la guerre. Quand je suis parti en 2000, je ne sais même si au 19ème siècle il avait connu une période aussi glorieuse. Dans les années 50, les chercheurs de l’INRA disaient aux viticulteurs « faites du rendement, vous serez toujours gagnants ». En 2000, on est arrivée à la situation où la qualité est payante : faire moins de vin meilleur permet de gagner plus. La qualité du vin avait déjà été reconnue en 1855 mais elle reposait sur celle du terroir, sur la reconnaissance des bons terroirs. Aujourd’hui la qualité du vin est fondée sur le travail de l’homme. On a compris tellement de choses sur le raisin et la vinification qu’aujourd’hui on est en mesure de faire face à beaucoup d’aléas. On ne ramasse plus des raisins pas mûrs et pourris. Pour découvrir l'ensemble de l'entretien avec Pascal Ribereau-Gayon
Comentarios